Qui n’a pas eu un jour l’impression de tourner en rond, de buter sans cesse sur des obstacles qui prennent des proportions démesurées ? Comme si tout autour de soi était en résistance. Des schémas qui se répètent, un poids constant, une sensation de blocage sans savoir comment avancer. Lorsque les mots et la logique ne suffisent plus, il est temps de prendre un autre chemin.
Créer, c’est remettre du mouvement là où tout semblait figé. En art-thérapie, façonner la matière, c’est « mettre en forme idées, sentiments, émotions » dans un processus où l’inconscient trouve sa place. C’est en observant ce qui nous traverse, et en voyant notre création prendre forme, qu’émerge notre essentiel. Cette approche permet de dépasser les blocages et de retrouver plus de clarté et de confiance, et s’adresse à tous.
Comme le dit Alain Dikann dans Développez votre intelligence émotionnelle avec l’art-thérapie : « Le processus de création permet aux personnes accompagnées, par l’expression de leurs émotions, de se réapproprier leurs ressources internes et de se recentrer sur elles-mêmes. »
Et si la clé n’était pas d’y penser encore et encore, mais de remettre du mouvement pour laisser s’exprimer autrement ce qui cherche à émerger ?
S’appuyer sur la plasticité cérébrale pour nourrir la résilience

Note: image issue du Grand Livre du Cerveau Ed. Glénat.
Le cerveau humain est fascinant, unique, et découle d’un subtil équilibre entre spécialisation et adaptabilité. Contrairement à d’autres espèces, il poursuit son développement bien après la naissance. Durant les premières années de vie, il fait preuve d’une plasticité neuronale exceptionnelle, créant un grand nombre de connexions synaptiques. Ensuite, entre la naissance et environ 3 ans, le cerveau entre dans une phase d’élagage synaptique où il élimine les connexions inutiles et renforce celles qui sont les plus pertinentes. Ce processus de spécialisation rend le cerveau plus efficace, facilitant la formation d’automatismes qui soutiennent notre réactivité quotidienne.
Il conserve ensuite sa capacité plastique tout au long de la vie et continue de créer de nouvelles connexions. Toutefois, dans des moments de grande difficulté ou d’insécurité, le cerveau a tendance à revenir à ses automatismes, cherchant la sécurité dans ce qui est familier, alors que ce sont l’adaptabilité et la créativité qui seraient précisément nécessaires à ce moment-là.
L’art-thérapie permet de travailler cette dynamique complexe du cerveau, entre sécurité intérieure et adaptabilité. Elle renforce la sécurité en faisant appel à des mémoires sensorielles et corporelles, permettant de revenir sur les fondements de la construction émotionnelle de l’individu. Ce processus crée des ancrages solides, renforçant ainsi la confiance en soi et en son environnement.
En ce qui concerne l’adaptabilité, l’art-thérapie stimule directement la plasticité cérébrale en activant la créativité. En stimulant des associations d’idées, d’images, de sons ou d’odeurs, elle favorise la réorganisation des circuits neuronaux et la flexibilité mentale. L’utilisation de la surprise, inhérente à la créativité, vient jouer un rôle clé en brisant les schémas automatiques et en ouvrant la voie à de nouvelles perceptions et solutions. L’art-thérapie engage donc à la fois les dimensions corporelles, sensorielles et émotionnelles de l’apprentissage expérientiel, comme le décrivait Piaget, pour cultiver une plus grande flexibilité et créativité face aux défis.
Ainsi, l’art-thérapie devient un puissant outil pour renforcer la résilience, en cultivant simultanément sécurité intérieure et adaptabilité créative.
Accompagner le processus de régulation émotionnelle

Il est fréquent d’entendre que le bien-être, c’est être en paix avec soi-même : être calme, serein, sans colère ni frustration. Vraiment? Quelle que soit la vie, les difficultés et le contexte? Je considère cette vision du bien-être comme réductrice et mensongère. Les émotions, qu’elles soient positives ou négatives, font partie intégrante de notre fonctionnement psychique et cérébral, en ce qu’elles nous informent et nous guident face à ce que nous vivons. Elles ne sont ni à éviter ni à faire taire, mais à intégrer, par un processus de conscientisation et de régulation. Le véritable bien-être réside alors dans la capacité à accepter la fluctuation de notre psyché, à vivre avec nos tensions, contradictions internes, obstacles de vie et à utiliser ces dynamiques pour avancer, grandir et maintenir une stabilité psychologique.
En tant qu’art-thérapeute, mon approche repose sur l’idée que le bien-être est bien plus une question de gestion dynamique des émotions qu’un état fixe à atteindre. J’accompagne ainsi à observer, à exprimer et à donner sens et forme à ses émotions et ses vécus.
Faire émerger l’inconscient
L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, c’est une question qui revient fréquemment lors de mes accompagnements. Et c’est souvent par le biais du collage que j’ouvre l’exploration. Une activité simple, accessible… mais redoutablement expressive. À travers l’image, l’inconscient s’exprime autrement. Par associations, symboles, compositions… Parfois de manière fulgurante, devançant si souvent les mots.
Chez l’un, une montagne abrupte, un homme pris dans des barbelés, ce slogan : « Never give up ». En décrivant son collage, il évoque une pression, celle de tenir coûte que coûte, malgré l’épuisement. Un travail d’écriture, où des lettres sont postées sans adresse, lui permet d’amorcer un dialogue qu’il n’osait pas initier. Il découvre à sa grande surprise une écoute, une présence, un soutien.
Chez une autre personne accompagnée, un contorsionniste et un masque occupent le centre de la feuille. Cela met en lumière les multiples rôles qu’elle joue au quotidien et la fatigue qu’elle ressent. Ne plus savoir ce qu’elle ressent réellement, à force de le confondre avec ce qu’elle doit montrer.
Enfin, cette figure de clown, ce sourire figé, un empilement bancal de chaises, et cette phrase : « Un métier sans sens ». Ce collage devient l’espace où elle se réapproprie un besoin de sens profond dans sa vie. Et dans une deuxième création, le centre reste vide, comme un cri finalement verbalisé : « Et moi dans tout ça ? J’ai besoin de savoir enfin qui je suis. »

Ces images frappent juste. Elles permettent de faire émerger des mots, de poser des prises de conscience — parfois lourdes de sens, mais libératrices, de la bouche même des personnes accompagnées.
Les premiers pas d’un chemin thérapeutique de transformation qui s’adresse en réalité à tout le monde, et qui se fait dans l’espace sécurisé de l’art-thérapie, là où l’inconscient peut s’exprimer librement, à son rythme.